mercredi 11 juin 2008

'Tenue correcte exigée

Hier je voulais, pour changer, travailler depuis mon logement et non depuis le CPTEC. Je me suis donc levé plus tard que d’habitude : je n’avais pas à aller marcher jusqu’à l’entrée principale pour que quelqu’un qui y passe me prenne (le matin il y a du trafic entre 7h et 8h30). Je vais prendre le bus de l’institut qui passe juste devant le logement à 11 h, me dis-je (il y a des bus spéciaux pour les gens qui travaillent ici, étant donné les distances, hénaurmes).

Et, alors que d’habitude je m’habille aussi pour résister à la climatisation zélée du CPTEC, c’est-à-dire pantalon et T-shirt avec un sweater à portée de main, hier je m’habille, pour changer, seulement en fonction du temps : grand et chaud soleil à quelques jours de l’hiver austral (je suis à une centaine de kilomètres au Nord du Tropique du Capricorne). Ni une ni deux je mets un short, plus tongs et T-shirt.

Le couac arrive quand je prends le bus. Le chauffeur me dit que je ne peux pas monter en bermuda. Je le regarde avec des yeux ronds car je n’ai pas l’impression d’être en maillot de bain quand même. En fait, bermuda, c’est tout simplement le mot pour désigner un short. Je lui dis que je ne savais pas, et il me laisse passer.

Pendant le trajet, je me renseigne et j’apprends que dans les institutions publiques brésiliennes le port du short n’est pas toléré. Les tongs non plus. C’est baleau me dis-je alors, à quoi ça sert de pouvoir monter dans le bus si je ne peux pas rentrer une fois sur place. Deuxième réflexion : eh bien je vais rentrer quand même. Non mais sans blague, venant d’une école où des militaires répètent régulièrement que shorts et tongs c’est pas sérieux, on va pas me faire le coup. Surtout qu’il me semblait être déjà rentré en short (en tous cas avec des tongs c’est sûr).

Je n’avais oublié qu’un détail : le vigile à l’entrée. Ce coup-là d’ailleurs c’était un gros détail, mais venons en plutôt au fait. Le vigile me demande si j’ai l’intention de me changer une fois dans le bâtiment, et là je commets ce que l’on appelle communément THE innocence. Mes yeux s’arrondissent comme ils le firent avec le conducteur du bus, et je lui réponds, mais non quelle idée. C’est le moment où il assène alors—CRRAAAC – que je ne peux pas rentrer comme ça. Là j’essaie de lui expliquer que je ne savais pas, qu’en France ça ne choque pas, mais il sort l’arme fatale du fonctionnaire-bureaucrate, Brésilien de surcroît (et en dépit de la réputation légendaire de notre service public national, c’est la bureaucratie brésilienne qui gagne le France-Brésil). Il appelle, et pas moins de deux numéros, pour que des gens avec qui je ne peux pas discuter assurent que je ne peux pas rentrer.

Enfin tout ça veut dire que pour rentrer il faut aller chercher le pantalon qui a 35 minutes à pied et revenir, sachant que je n’ai ni voiture, ni tapis volant, et que le prochain bus part dans six heures. Là j’en vois s’esclaffer de rire, ah ah il va nous raconter une belle subaïsse, etc etc. *** Subir subir subir, c’est un maniaque de la subaïsse, il aime subir d’ailleurs. Envoyez-le quelque part et il subit…*** Bon bon bon… Il ne faut pas non plus exagérer. Je ne voulais pas me taper le chemin à pied, et fort heureusement je suis tombé sur une bonne âme qui m’a emmenée en voiture.

Moralité : ici les chercheurs en tongs et chaussettes restent dans les universités. Et on ne badine pas avec les institutions publiques. Je l’avais vu quand la fausse ‘disparition’ de gens travaillant dans un institut avait causé un certain émoi médiatique, il y a quinze jours. D’une certaine manière cette obligation de paraître sérieux de tout le secteur public s’explique par la conviction que le Brésil doit jouer sur un pied d’égalité avec l’Europe et les Etats-Unis. Cela se traduit d’ailleurs dans la politique extérieure du pays, qui notamment prend en général très mal les mesures restrictives à l’encontre des ressortissants brésiliens (et applique à son tour des mesures embêtantes, expliquant partiellement que je n’ai pas pu avoir de visa, l’autre partie de l’explication étant que le service public n’est pas forcément fichu de transmettre les documents requis par l’ambassade). Cela se traduit aussi lorsque l’on montre que l’on sait mobiliser des secours comme un grand lorsque l’on croit un Européen perdu dans les montagnes du Sud-Est…

PS Vous aurez bien sûr reconnu, entre ***, un plagiat, quoiqu’assez pauvre, de l’immortel clip « tuer tuer tuer » tiré d’une émission de ‘Strip tease’ et disponible sur YouTube.

Aucun commentaire: