mercredi 11 juin 2008

Un fait divers bien sordie

Ça s’est produit peu après mon arrivée, et pendant un mois les médias n’ont parlé que de ça (et de foot, bien sûr). Je vais donc faire un effort (même si les faits divers c’est pas trop mon truc) et vous raconter un peu tout ça.

Le fait divers, donc, est sordide. Isabella, une petite enfant de cinq ans, est balancée vivante après avoir été préalablement étranglée depuis le Xème étage (X supérieur ou égal à cinq mais je sais plus exactement) d’un immeuble de São Paulo comme il y en a des dizaines voire des centaines de milliers. Je vous déconseille d’essayer ; en tout cas elle en est morte. Il semblerait que ce soient papa et la belle-mère (madrasta en portugais quand c’est la nouvelle femme de papa et non la maman de l’amour de sa vie : le français pense assez vite au flatteur mot de marâtre…) qui soient à l’origine du jet.

Sordide mais finalement assez banal, me direz-vous, dans un pays où le taux d’homicides reste un des plus élevé au monde (dans la catégorie « pays en paix » je précise, les Irakiens sont bien meilleurs sinon). Oui mais on n’est pas, par exemple au Capão Redondo, favela de la périphérie de São Paulo, où il y a quelques années encore l’espérance de vie des jeunes hommes plafonnait à… 27 ans, et où tout le monde ne mourrait pas d’accidents de la route. Cet immeuble est occupé par la classe moyenne. Donc, ça émeut la ménagère de moins de cinquante ans, qui se dit que ça aurait pu arriver près de chez elle. Et donc, couverture médiatique.

Surtout qu’il y a eu des rebondissements. Le couple a clamé son innocence malgré les preuves qui s’accumulaient, comme par exemple les témoignages de voisins qui ont entendu la petite hurler cinq minutes avant le meurtre : « papa, papa, empêche-la ». C’est son droit, surtout que la présomption d’innocence ça existe. Oui, et c’est justement ça qui rend le jeu intéressant. C’est ça qui a fait que pendant pas mal de temps, pendant que la défense réussissait à éviter l’arrestation, il y avait chaque jour un nouvel élément de preuve, ou un nouveau démenti du couple, qui est même allé jusqu’à donner une interview larmoyante et très médiatisée pour clamer son innocence. Voilà des infos en forme de telenovelas (ces séries qui passent en gros de 5h à 10h tous les soirs sur toutes les chaînes) qui sont beaucoup plus palpitantes qu’une bombe qui explose en Irak, un jeune des favelas qui se fait occire ou même une catastrophe humanitaire en Birmanie. Monsieur a son foot, Madame a son feuilleton. C’est ça aussi la parité, et je crois que vous devinez ce que j’en pense (pas de la parité en général, de cette situation).

Visiblement le clou du spectacle a été la reconstitution du meurtre, retransmise à la télé et qui a fait de l’audimat pendant plusieurs heures. Preuve de l’intérêt populaire. Là on pourrait dire, non, de grâce arrêtons de nous moquer et de nous apesantir sur la bêtise de masse, c’est pas beau-beau. Mais tant qu’à faire je vais vous raconter jusqu’au bout. Car il y a quand même de braves gens, réagissant comme si Isabella était leur propre fille, qui veulent faire la peau au couple et qui le montrent à chaque transfert de l’un ou de l’autre par la justice (après avoir assiégé des jours durant l’immeuble où tout a commencé). Il y a chez nous des militants prêts à la violence pour sauver les animaux de laboratoires. Il y a chez eux des gens prêts à faire la peau à des meurtriers présumés. Un partout balle au centre, avec quand même cette question : à quand le retour de ces bonnes vieilles exécutions publiques ? En attendant le couple est séparé des autres détenus, issus le plus souvent des classes les plus défavorisés et qui ont bien envie de faire la peau à des tueurs d’enfants plus riches.

Pour conclure, on peut dormir rassuré : l’Europe et les US n’ont pas le monopole de la connerie télévisée, qui est visiblement un marché mondialisé. Espérons quand même qu’il y ait un point positif à cette affaire : une prise de conscience accrue de la violence domestique qui, j’en ai bien l’impression vu le nombre de faits divers relatant des histoires d’enfants ou de femmes battues, fait des ravages.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

alibi

Tu as omis l'explication avancée par les parents, comme quoi il y avait un homme caché dans la maison qui a jeté la fille alors que le père avait le dos tourné puis aurait disparu alors que le père affolé courait fermer la fenêtre parce qu'il y avait trop de vent.

Avoue que le scénario est mieux que Navarro et on comprend l'attrait du public et l'audience conséquente.